Dominik kardinál Duka OP 
emeritní arcibiskup pražský

Mont Sainte Odile

26. května 2017
Textes

 

Conférence à l’occasion du treizième centenaire de la mort de Ste Odile son importance pour l’Europe aujourd’hui.

Dominik Cardinal Duka OP

Strasbourg-Mont Sainte Odile en Alsace, France,

24.5.2017, 16.30 h.

 


Chers amis,

 

Retournons donc mille trois cents ans en arrière et demandons-nous quel sens cela peut-il avoir.

L‘époque à laquelle nous vivons cherche à vivre le présent mais le cours des évèmements, le flot ininterrompu d‘informations, la recherche constante d’innovations l’orientent vers le futur. Les scientifiques, les constructeurs, les techniciens nous promettent constamment de nouvelles machines toujours plus performantes. D’autres réfléchissent sur les rapports et sur les conséquences d‘une nouvelle civilisation robotique sur laquelle ils s’interrogent tout en ressentant des craintes devant l’inconnu.  Nous assistons , d’un côté, aux progrès des sciences et des techniques et simultanément, tout à l‘opposé, à la dégradation de la vie de famille, à l‘affaiblissement, la défaillance, au relâchement des caractères. Nous parlons alors de „société liquide“ dont il est possible de dire qu’elle ne garantit aucune certitude et aucun appui. Et cette constatation touche pratiquement toutes les institutions. En même temps, nous entendons aussi dire à notre adresse:  „Bien, mais qu’est-il donc sorti de ces deux mille ans de christianisme, qu‘en est-il sorti de bon, qu’est-ce que votre Eglise, respectivement, qu’est-ce que vous en avez fait pour vous permettre de critiquer la société liquide d’aujourd’hui ?“

 

Que savons-nous de Sainte Odile, où sont les faits historiques sur lesquels nous pouvons nous appuyer? Il me semble important d‘esquisser cette époque où elle a vécu et dont elle a témoigné. Le christianisme antique fait alors face à la décomposition de l’Empire romain, avec au sud de l’Europe la pression de l‘invasion arabe et au nord et à l’est, depuis plusieurs siècles déjà, la poussée des tribus germaniques. Au  commencement de cette époque résonnent ces mots de Saint Augustin : „  Là-bas, sous nos murs, un monde nouveau est en train de naître,“ en réponse à l’appel angoissé d‘autres évêques qui parlent de la fin du monde.

 

Les papes de cette époque des grandes invasions, ou si vous le voulez, époque de globalisation, Saint Léon le Grand et, plus tard, Grégoire le Grand réagirent comme saint Augustin. La liberté intérieure de ces hommes à la  foi profonde, de ces hommes de prière, leur permettait de discerner l‘avenir.  La barbarie de ces temps fut trasnformée par une métamorphose intérieure . Ce ne sont ni le pouvoir, ni la force, ni le glaive, ni le feu qui ont permis la diffusion du christianisme . C’est grâce aux moines irlandais et écossais, aux missionaires et aux prêcheurs que l’Europe germanique des Francs et des Burgondes est devenue chrétienne. Grégoire de Tours voit restrospectivement un nouveau Constantin en Clovis, le roi franc baptisé, et l’évêque Avitus de Vienne, que nous connaissons par l’épisode tragiquement mouvementé de Saint Sigismond, le roi des Burgondes, lui écrit:  „Votre foi est notre victoire.“

 

Dans un certain sens, l’histoire de Ste Odile est reliée à St Sigismond. Les légendes mettent en scène des tragédies familiales, de nouveaux baptisés en proie aux luttes intérieures, des traditions et des coutumes païennes souvent plus fortes que les valeurs et les exigences de l’Evangile.  Dans ces récits, il s’agit toujours de la vie, de la cohabitation et du respect de la vie, de la tolérance, mais il s’agit avant tout de la loi du véritable amour. L‘amour qu’annonce la croix de Jésus Christ. Ces tragédies, remarquons-le, se déroulent le plus souvent au sein d‘une famille. La famille est le cadre décisif et formateur d‘une nouvelle vie, d‘une nouvelle civilisation. Lorsque la famille n’est pas saine, toute la société tombe malade. La famille est appelée cellule de base de la société et lorsque la cellule-famille est malade, on peut parler d’une sorte de cancer et de décomposition de toute la société. Cette maladie, pour des raisons compréhensibles , détruit aussi l’Eglise : quand la famille n’est pas saine, l’Eglise non plus ne peut l’être. Sans la famille, ni la société, ni l’Eglise ne peuvent exister. Nous parlons ici de la famille biologique naturelle et non pas des produits de la société post-factuelle qui fabrique nécessairement une image mensongère et fausse, une illusion incapable de vie.

 

Je crois qu’en tant que pélerins vous connaissez l‘histoire de Ste Odile, fille du duc d’Alsace Aldaric ou Etichon. Son père refuse la nouveau-née aveugle, la future Ste Odile. Cela ne vous rappele-t-il pas le destin des enfants de Sparte, le destin des enfants de l’époque païenne? Les historiens nous disent que sans culte marial, sans madone à l’enfant, il est impossoble d’avoir une idée d’ensemble des droits des enfants.  Posons-nous alors cette question d‘actualité : quel est le destin des enfants non-nés, des enfants martyrisés, abusés et exploités ? Le sort des enfants migrants nous intéresse-t-il réellement ? Tous ces mouvements alternatifs féministes et ces courants du genre s’intéressent-ils à eux, s’intéressent-ils aux enfants dans notre société? Cependant, ce lieu de pélerinage témoigne de la réconciliation d’une famille . La fille, Sainte Odile, le père et la mère reposent ici tous ensemble. La psychologie déterministe des complexes est dépassée, l’homme n’est pas condamné à être l’esclave des passions et du péché.

 

Ste Odile recouvrit la vue pendant son baptême, que lui administra sans doute son oncle St Erhard, évêque de Ratisbonne.

 

Je suis venu de Prague célébrer avec vous ce grand jubilé. Dans notre cathédrale, qui est un centre permanent de foi et d’histoire, se trouvent , grâce au roi et empereur Charles IV, des reliques de Saint Sigismond et de Sainte Odile qui y ont tous deux leur chapelle. St Sigismond fit recouvrer la vue au roi Charles IV qui l’avait perdue après un grave accident et devint l’un des saints patrons des Pays tchèques. Charles, de son nom de baptême Venceslas, a pris le nom de votre roi car il fut éduqué et instruit à Paris et choisit le nom de Charles à sa confirmation. Il revint de Paris avec sa première épouse, Blanche de Valois. Dans la chapelle St Ehrard et Ste Odile est aussi inhumé Jean Očko de Vlašim, second archevêque de Prague et premier cardinal tchèque. Son nom vient de son oeil malade auquel Ste Odile rendit partiellement la vue. C’est lui qui inhuma l’empereur et roi Charles IV qu’il nomma alors Père de la patrie.

Le nom même d’Odile qui signifie „ Lumière de Dieu „exprime bien des choses.  Dans la lumière de la loi d’amour que le Christ nous a transmise dans l’alliance nouvelle au Cénacle, à Jérusalem, il est possible d’avoir les yeux portés sur l’avenir avec espérance et confiance.

 

Redisons donc avec l’évêque Avitus : „Fides nostra victoria“ – la foi est notre victoire. Une simple visite de la cathédrale Saint Guy de Prague bâtie selon les plans de Matthieu d’Arras permet de confirmer l’adage bien connu sur les saints qui relient l‘Europe.  Nous voici non loin de Strasbourg et du Parlement européen, permettez-moi de dire que se trouve ici un moyen de réforme pour l’Union Européenne. Prions pour cette réforme si nécessaire aujourd’hui.

                                                                          Amen